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Publié le 22 octobre 2024 Mis à jour le 24 octobre 2024

Les codes correcteurs : fiabiliser l’information dans un système quantique

Connectique sur un serveur
Connectique sur un serveur - © Brett Sayles - Pexels

Iryna Andriyanova, enseignante-chercheuse et professeure des universités à CY Cergy Paris Université, est lauréate du programme Horizon pour son projet sur les codes correcteurs pour les systèmes quantiques.

CY Initiative : Pourriez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre carrière et vos grandes thématiques de recherche ? 

Iryna Andriyanova : Je suis professeur en informatique au sein du laboratoire ETIS qui est un laboratoire à co-tutelle entre CY Cergy Paris Université, l’ENSEA et le CNRS. Je fais partie de l’équipe travaillant sur l’algorithmique et les protocoles de communication.  

Depuis ma thèse, c’est-à-dire depuis maintenant 20 ans, je travaille sur le sujet des codes correcteurs et de leur implication dans divers systèmes qui peuvent être des systèmes de communication sans fil comme la 3G, 4G et au-delà, le stockage des données dans des centres de données, ou les systèmes quantiques.  

Les codes correcteurs sont des méthodes pour rendre un système tolérant aux pannes ou aux fautes. Il s’agit de les rendre résilients. Par exemple les bits dans un ordinateur classique représentent des informations, et les codes correcteurs permettent de fiabiliser le système et donc l’information. 

CY Initiative : Vous avez été lauréate de l’appel à projets 2024 de CY Initiative. En quoi consiste ce projet ? Et quel est son objectif ? 

Iryna Andriyanova : Cela fait une dizaine d’années que je travaille sur les codes correcteurs pour les systèmes quantiques. Et c’est justement sur ces systèmes que porte le projet QEC, projet lauréat de l’appel à projet 2024 de CY Initiative. 

Les systèmes quantiques sont beaucoup plus fragiles que les systèmes classiques. En effet, l’information quantique est très susceptible d'avoir des erreurs ou de se perdre avec le temps, ce qui n’est pas le cas avec un système classique. Par exemple, si vous avez une clé USB avec des fichiers, ceux-ci se conservent tant qu’elle n’est pas endommagée. Au contraire, sur la mémoire quantique, si vous stockez de l’information, elle se perd toute seule avec le temps à cause des erreurs dues à la nature quantique. L’information s’évapore. Il faut ainsi tout le temps réparer les erreurs pour que l’information reste dans la mémoire quantique. Et c’est justement l’enjeu majeur de ce projet. 

Nous avons coconstruit ce projet entre le laboratoire ETIS et le LPTM. C’est un projet interdisciplinaire qui repose sur mon expertise des codes correcteurs et sur l’expertise des physiciens et statisticiens sur la modélisation des erreurs : quelles sont-elles ? D’où viennent-elles ?  

L’objectif est ainsi de permettre de protéger l’information contre un certains types d’erreurs afin de de déployer la technologie quantique sans perte d’informations. Le type d’erreur dépend du système et de comment la mémoire quantique est construite. Les physiciens ont développé plusieurs modèles à partir de différents modèles quantiques.  

Cela n’est pas le premier projet que nous portons sur ce sujet et l’ambition aujourd’hui est de construire de nouveaux codes correcteurs.  

CY Initiative : Concrètement, comment va se déployer ce projet ? 

Iryna Andriyanova : Le projet QEC repose sur de grandes étapes qui doivent suivre un ordre bien défini. Dans un premier temps, quand on travaille sur les codes correcteurs, il nous faut un outil qui encode l’information, et un autre qui la décode. Cela est vrai pour tous les systèmes de codes correcteurs, qu’ils soient quantiques ou classiques. La première étape est donc d'encoder de l’information et de construire l’encodeur. 

Nous allons ensuite devoir créer quelque chose d’unique dans le modèle quantique : une unité de mesure des syndromes. En effet dans les systèmes quantiques, il y a un concept qui n’existe pas dans les systèmes classiques. C’est le théorème de non-clonage : il est impossible de copier des données et de les cloner. Cela a un impact fort dans le cadre de notre projet puisqu’on ne peut pas juste copier les données dans deux endroits et faire des tests sur une même base. Ainsi, si on mesure les données dans le système quantique, on perturbe les données et on les modifie. C'est comme si en lisant les données sur la clé USB citée plus haut, cela les modifiait. C’est un défi supplémentaire. 

Une fois l’unité de mesure développé, vient l’étape de décodage. Il faut pour cela construire des décodeurs de données. 

CY Initiative : En quoi le projet répond-il aujourd’hui à des enjeux actuels ?  

Iryna Andriyanova : Le sujet des technologies quantiques est un sujet qui s’amplifie au fil des années. De plus en plus d’entreprises et de chercheurs s’y intéressent et certains défis restent à résoudre. 

Le système quantique et les algorithmes quantiques sont plus rapides et plus performants que les algorithmes classiques. Ils pourront, une fois implémentés sur un ordinateur quantique, résoudre des problèmes complexes que nous ne pouvons pas résoudre à ce stade. C’est une croyance commune partagée aujourd’hui. 

À ce jour, nous n’avons pas encore observé d’avantage quantique par rapport aux calculs classiques, car nos processeurs quantiques sont petits et pas suffisants pour avoir une puissance de calcul supérieure. Mais le potentiel est grand, et avec le projet QEC nous voulons faire avancer la recherche sur ce sujet.  

CY Initiative : Pourquoi avoir candidaté à cet appel à projets ? 

Iryna Andriyanova : Cet appel à projets nous offre des possibilités de collaboration avec les autres membres de l’alliance EUTOPIA, une alliance de 10 universités européenne avec un objectif commun : co-construire l’université européenne de demain capable de répondre aux enjeux du 21ème siècle.  

Cela va nous permettre de collaborer à l’international et d’attirer d’autres disciplines à travailler avec nous sur ce sujet. L’alliance UTOPIA nous a déjà permis de créer CONNECT Community, une communité où nous échangeons des informations, organisons des colloques et d’autres initiatives pour nourrir nos recherches sur le sujet.  

Cet appel à projets va aussi nous permettre d’accueillir à partir d’octobre 2024 une doctorante spécialiste en informatique avec des bases de physique. Elle aura une double vision qui nous sera très utile sur ce projet.

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