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Publié le 29 mai 2024 Mis à jour le 4 juin 2024

Étudier les interactions humain-robot pour mieux comprendre l’apprentissage du langage

L'utilisation de robots selon certains protocoles pourrait améliorer les capacités d'apprentissage des enfants.
L'utilisation de robots selon certains protocoles pourrait améliorer les capacités d'apprentissage des enfants. - L'utilisation de robots selon certains protocoles pourrait améliorer les capacités d'apprentissage des enfants. - © Pavel Danilyuk

Lors de son appel à projet 2023, CY Initiative a soutenu 14 projets de recherche innovants. Découvrez l’un des projets lauréats du programme Horizon, un projet porté par Sofiane Boucenna, enseignant-chercheur et maître de conférences à CY Cergy Paris Université, sur les interactions homme-robot et l’apprentissage du langage chez l’enfant.

CY Initiative : Pourriez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre carrière et vos grandes thématiques de recherche ?

J’ai fait l’ensemble de mon cursus à CY Cergy Paris Université, avec une licence en informatique puis un master en système intelligent et communicant. J’ai ensuite rejoint le laboratoire ETIS pour ma thèse centrée sur les interactions homme-robot et sur un volet interaction émotionnelle. La question que je me suis posée était : les émotions doivent-elles être centrales dans le développement des robots "intelligents" ?
Je suis ensuite parti en post-doc à Sorbonne Université où je me suis intéressé à l’interaction homme-robot, mais plutôt avec des enfants typiques et atypiques patients de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Nous avons notamment travaillé sur l’interaction entre le robot et des enfants atteints d’autisme. Nous avons étudié quel était l’impact des personnes qui vont interagir avec le robot, et notamment leurs impacts sur l’apprentissage du robot. Nous avions un robot auquel nous voulions apprendre une tâche de reconnaissance posturale, et montrer que la personne qui va interagir avec le robot peut avoir un effet sur l’apprentissage de ce dernier.
Globalement, c’est tout l’enjeu de mes travaux de recherche qui portent sur la robotique développementale. L’objectif est d’essayer de comprendre le processus développemental chez le vivant. J'utilise le robot comme l’exemple d’un jeune enfant qui va se développer. La question est donc d’appréhender, comment via l’outil robotique, on peut créer des modèles qui vont permettre d’analyser le comportement des enfants. Par exemple, on sait que les enfants atteints d’autismes rencontrent des difficultés à reconnaitre les expressions faciales. J’ai ainsi pu développer un modèle sur cette reconnaissance des expressions. Nous allons à partir de ce modèle pouvoir léser certains neurones, et voir l’impact : vont-ils plus ou moins bien reconnaitre certaines expressions faciales ? Le robot est ainsi un outil pour comprendre le cerveau.

Vous avez été lauréat de l’appel à projet 2023 de CY Initiative. En quoi consiste ce projet et quel est son objectif ?

Le projet est très fortement en lien avec mes recherches sur les interactions humain-robot. Dans le cadre de cet appel à projet, j’ai voulu m’intéresser au développement de l'acquisition du langage chez le robot et in fine proposer un modèle pouvant expliquer ce processus chez l’enfant. L’objectif est ainsi de proposer une modélisation de cette compétence, et aussi de comprendre si les personnes qui vont interagir avec le robot vont avoir un impact sur son apprentissage.
Nous avions déjà essayé cela sur un apprentissage assez simple, celui des postures. Nous avions constaté qu'en fonction des personnes qui interagissent avec le robot, l’organisation de son réseau de neurones artificielles ne se structure pas du tout de la même manière. Nous allons donc repartir de cette hypothèse et nous concentrer sur un apprentissage plus complexe : le langage. Nous avons ainsi créé un modèle avec un système de neurones artificielles implémenté sur un robot où le robot va apprendre au fur et à mesure des mots de vocabulaire avec une interaction avec des humains et notamment des enfants atypiques.
Le deuxième volet de ce projet est d’essayer d’utiliser le robot pour améliorer l’acquisition du langage chez l’enfant. Notre originalité est que l’on va faire du learning by teaching, c’est-à-dire de l’apprentissage par l’enseignement. C’est l’enfant qui va apprendre au robot des mots de vocabulaire que lui-même ne maitrise pas encore forcément. Dans cette expérience, l'objectif est de voir si l’enfant peut être plus motivé à apprendre en endossant un rôle d’enseignant plutôt que d'élève. Il s'agit de voir si c’est une bonne manière d’apprendre pour l’enfant, une méthode plus engageante.
Le troisième volet du projet ne repose pas sur des robots mais sur des serious games [termes anglais désignant des jeux pédagogiques] qui vont permettre à l’enfant d’apprendre des mots de vocabulaire de plusieurs manières. Toujours ancré dans le learning by teaching, l’objectif est que l’enfant ne réponde pas directement à des questions, mais corrige les réponses d'un avatar incrusté dans le jeu. Au fur et à mesure et en fonction des réponses de l’enfant, l’avatar apprendra la tâche.
Sur les trois volets, nous allons travailler avec des enfants atypiques et notamment avec des enfants avec des troubles autistiques ou des troubles du langage. Notre objectif est ensuite d’élargir nos recherches à des enfants typiques afin de pouvoir comparer les trajectoires comportementales de ces différents enfants. Cela va nous permettre d’élargir le modèle à n’importe quelle typologie d’enfant.

Quelles sont les grandes étapes du projet ?

Nous avons déjà bien avancé sur le projet, même si nous n’en sommes qu’au début. Le 1er novembre 2023, un doctorant nous a rejoint pour une durée de 3 ans, et il a notamment pu travailler sur les modélisations des premiers stades du langage. Cela va nous permettre d’engager assez rapidement des phases de test. L’année 2024 sera une année importante pour ce projet. Nous allons justement bientôt sortir un article à ce sujet pour partager nos premiers résultats.
Sur l’aspect du serious game, le troisième volet de ce projet, nous avons pour l'instant développé les grandes lignes du programme, et nous allons recruter bientôt un post-doctorant pour nous accompagner dans les prochaines étapes de son développement. Il devrait nous rejoindre en septembre 2024.

Pourquoi avez-vous candidaté à cet appel à projet ?

Mon projet ITC a été lauréat du programme Horizon de l’appel à projet lancé par CY Initiative en 2023. Ce programme vise à soutenir, pour une durée de 4 ans, des programmes de recherche ambitieux dans des domaines de recherche stratégiques, et à permettre de se positionner avec une visibilité internationale dans le domaine de recherche stratégique visé. Notre objectif est de poursuivre nos recherches sur le learning by teaching par l'élaboration d'un projet financé par l'Agence nationale de la recherche (ANR) en collaboration avec des collègues de l’Université Paris 8. Ces derniers ont en effet développé une expertise sur l'utilisation de robots dans le cadre de l'accompagnement d'enfants atteints de troubles de l’écriture. Sachant que nous nous inscrivons dans le même cadre, mais sur le plan du langage, l’objectif serait de mettre nos connaissances en commun dans le cadre d'un projet de recherche conjoint.


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