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L'objectif de la Chaire Talents de la Transition Ecologique : développer une pluralité de talents à même de devenir des stratèges de la transition
A l’image de la transition numérique qui a profondément transformé notre société et nos entreprises dans la décennie 2010, la question d’une transformation écologique apparaît comme l’enjeu civilisationnel de la décennie qui s’ouvre. Longtemps relégué comme sujet secondaire ou utilisé à des fins de communication, cet enjeu n’interroge aujourd’hui plus sur son importance, mais sur le “comment”. Tout le monde s’accorde à peu près sur une chose : il ne nous reste que quelques années pour réussir cette transition. Partant de ce constat, l’ESSEC créé en septembre 2021 la Chaire Talents de la Transition Écologique. Rencontre avec Alexis de La Tour du Pin, Directeur Exécutif de la chaire.
Comment la Chaire Talents de la Transition Écologique a vu le jour et quels sont ses objectifs ?
Tout part du mouvement pour un réveil écologique qui a donné une impulsion aux grandes écoles sur le sujet de la transition écologique, ainsi que d’une rencontre entre deux expertises. Pour ma part, fort de la création de la 1re équipe RSE chez Google France, j’avais cette envie personnelle et professionnelle d'aller plus loin sur ces sujets; côté académique, Bernard Leca professeur à l’ESSEC travaillait depuis de nombreuses années déjà sur des travaux de recherche qui portaient déjà sur ce sujet. Nous voulions creuser le concept de transition écologique avec l’idée de développer des talents généralistes et stratèges de la transition au sens large. Nous avons donc allié nos deux expertises et nos envies pour créer la chaire Talents de la Transition Ecologique qui s’inscrit également parfaitement dans le cadre de la démarche TOGETHER de l’ESSEC. Il y avait l’espace, la volonté et une ambition de créer une formation sur la transition écologique.
A travers une pédagogie holistique qui s’appuie notamment sur des intervenant·e·s experts, des formations officielles (bilan carbone®), du coaching, des visites de terrain et des missions en entreprises, la Chaire entend développer des talents polyvalents de la transition écologique, à l’employabilité forte et prêts à impacter tout type d’organisation - grands groupes, associations, entités publiques, PME ou startups. Sont abordées en priorité les thématiques du dérèglement climatique, de la biodiversité et du vivant, mais aussi d'autres thématiques essentielles à la transition, comme la gestion des ressources (eau, air) et des déchets, la transition énergétique et alimentaire, les nouvelles formes de mobilité, la transition des territoires, l'impact du numérique, l’éco-psychologie, la transition sous le prisme géopolitique, la transition vue du Sud et la justice écologique, la RSE, les modèles d'organisation alternatifs, et enfin le besoin de nouveaux récits et d'une communication de la transition.
On ne fait pas une chaire sur la transition comme on fait une autre chaire. C’est un enjeu qui prend aux tripes, qui va travailler des sujets comme l’éco-anxiété. Il y a donc un enjeu d’incarnation et c’est pour cela que nous avons appelé la chaire “Talents” de la transition écologique. C’est en étant très aligné entre le cœur, le corps et l’esprit que l’on pense que l’on pourra développer ces meilleurs stratèges de la transition écologique dotés d’une vraie force d’engagement, de résilience... qui savent développer un sens du collectif qui est absolument nécessaire sur ces enjeux-là.
Justement, concernant l’enseignement, que propose la chaire ?
Concernant la pédagogie, notre objectif est d’aiguiser l’esprit critique au-delà de toutes prises de position idéologique. Nous souhaitons systématiquement emmener les étudiant·e·s dans la complexité des enjeux, afin d’éviter le prêt-à-penser, ou les fausses solutions : les enjeux sont éminemment complexes et rapidement polarisant. Pour cela nous aiguisons l’esprit critique, pour faire en sorte qu’ils puissent systématiquement développer une vision systémique des enjeux, une vision la plus informée possible pour pouvoir commencer à inventer des solutions et plus précisément développer des stratégies de transition. L’objectif est de développer des talents qui sont capables d’analyser les stratégies de transition d’une part, et à termes de développer des stratégies de transition, ce qui est très complexe.
Par ailleurs, on a un vrai complexe de l’imposteur des étudiant·e·s de business school par rapport aux ingénieurs par exemple. C’est pour cela que l’on a conçu un parcours pédagogique qui les muscle à la fois sur les sciences du management, mais aussi sur certaines sciences humaines comme la sociologie, la psychologie, la géopolitique... et enfin et surtout aussi sur des sciences dures qui jusqu’ici étaient l’apanage d’experts, comme la climatologie ou la mesure d’impact carbone.
On accompagne ainsi chaque année une trentaine d’ étudiant·e·s au sein de la chaire, des étudiant·e·s qui sont peu ou prou les 1% les plus engagés et les plus concernés par ce sujet au sein de l’école. Ils viennent de tous programmes confondus (grande école, BBA, mastères spécialisés...), ce qui fait la richesse de la chaire.
Durant les 6 mois qu’ils passent avec nous, les étudiant·e·s ont tout d’abord un cours de base sur la RSE pour leur donner un socle ainsi qu’un séminaire de 50h environ avec des intervenants experts d’horizons variés pour leur permettre d'appréhender des points de vue riches et complexes sur tout le panel des enjeux que couvrent la transition écologique : transition dans les océans, la mobilité, la justice écologique avec des visions plus radicales, la philosophie écologique et les grands mouvements philosophique, les enjeux de biais cognitifs et d’éco-psychologie....
A côté ils ont également un séminaire sur la mesure d’impact qui est un sujet clé pour nous. C’est le graal pour la transition écologique : arriver à mesurer l’impact de la transition va permettre de passer un cap stratégique dans les entreprises. La transition écologique, à l’image de la transformation digitale, est en train de devenir un enjeu stratégique alors que ce n'était qu’un enjeu périphérique il y a encore quelques années. Ce qui va permettre à la transition écologique de prendre de plus en plus de poids dans la stratégie d’entreprise, ce sont des outils simples et efficaces, des KPIs, pour rendre compte de son impact. Pour ce faire nous avons un partenariat avec l’Association pour une transition Bas Carbone (ABC) pour les former sur les bilans carbones, ou encore avec le CITEPA, l’acteur national de référence qui mesure l’inventaire carbone.
Sur l'éco-lieu de notre partenaire le Campus de la transition, nos étudiant·e·s suivent également un cours sur le co-développement dans les pays émergents et en France, c’est-à-dire autour des grands enjeux de justice écologique au niveau nord/sud et aussi sur les enjeux de transition sur le territoire.”
Les étudiant·e·s travaillent également sur des projets confiés par les entreprises partenaires et sur des cas de controverses. De quoi s’agit-il ?
Nous avons en effet développé deux types d’exercice pédagogique dont un plutôt innovant. Au sein du séminaire de chaires, nous faisons travailler les étudiant·e·s sur des cas de controverses.
Ils choisissent des controverses écologiques actuelles comme : “Europe ou Afrique qui doit assumer les coûts du dérèglement climatique ?”, “Comment allier questions sociales et fiscalité carbone ?”, ou encore “désobéissance civile pour le climat, les militants ont raison de prendre des œuvres d’art pour cible ?”. L’enjeux n’est alors pas de donner son avis mais de creuser le sujet et de rentrer dans la complexité en cartographiant tous les acteurs de l’écosystème de cette problématique, la position de chacun et comment cela a évolué. L'objectif est in fine d’imaginer comment on pourrait sortir de cette controverse en impliquant l’ensemble des acteurs. C’est un exercice pédagogique très intéressant et très aligné avec les objectifs de la chaire.
Au trimestre 3, les étudiant·e·s font également une mission de conseil avec les entreprises partenaires de la chaire. Ils sont en fin de parcours et il s’agit de missions professionnalisantes, tutorées de très près et qui ont donné des résultats de grande qualité. Ils ont par exemple travaillé sur la stratégie marketing de transition écologique du Territoire pour la Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise (CACP), ou sur des indicateurs de biodiversité pour la SNCF.
Au-delà des 30 étudiant·e·s de la chaire, quels sont les actions de la chaire ?
Notre action va en effet bien au-delà de l’accompagnement des 30 étudiant·e·s qui intègrent la chaire chaque année. Nous organisons également les rentrées climat à l’ESSEC. Tous les ans, nous avons la responsabilité pédagogique d’une journée d’ateliers et d’échanges avec tous les nouveaux entrants de l’école, soit 1500 étudiant·e·s au total.
En formation continue, nous avons également développé plusieurs formations sur mesure avec à la fois des formats du type Masterclass pour des dirigeants et des formats plus en ligne et interactifs avec le Campus Numérique pour des consultants. C’est un volet important que nous voulons développer.
Nous avons également un gros volet sur la recherche notamment autour des travaux de Bernard Leca. La chaire concentre son travail de recherche sur les processus de transition écologique au sein des entreprises et entre les diverses parties prenantes de la société, pour voir comment les différents acteurs du monde économique, publique et civil peuvent s'influencer dans un processus d'accélération de la transition. Deux grandes thématiques structurent ses travaux de recherche. Dans un premier temps il s’agira de faire de la transition un agenda de recherche en distinguant la transition écologique de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) afin de travailler la notion et d'en explorer les conséquences en théorie des organisations autant qu'en contrôle de gestion et dans les autres domaines du management. Dans un deuxième temps nous étudierons les problématiques de changement d'échelle. L'enjeu est ici d'examiner comment des initiatives prises dans des organisations de tailles diverses peuvent être transposées ou traduites dans d'autres organisations d'autres tailles. Au-delà de la recherche académique il s'agit de constituer des répertoires de bonnes pratiques et d'expériences innovantes qui peuvent contribuer à accélérer la transition écologique des organisations ou à l'approfondir. Durant l’année à venir, nous chercherons à comprendre comment les entreprises peuvent intégrer les frameworks de régulation.
L’objectif est de travailler avec des chercheurs de différents horizons afin d’initier des recherches transdisciplinaires. Nous collaborons déjà avec la chaire d’économie circulaire à l’ESSEC, la chaire Innovation Sociale ou la chaire Food Business Challenges... Aujourd’hui l’objectif serait d’aller plus loin et de créer des liens avec des chercheurs des établissements partenaires de CY Générations et de CY Alliance. Nous avons également commencé des discussions avec la CACP et des personnes de CY Cergy Paris Université et notamment avec la chaire de la biodiversité.
Justement quelles sont les projets de la chaire ?
En plus du volet recherche, l’objectif de l’année à venir est de construire des partenariats avec des entités internationales qui sont référentes dans la transition comme le CDP, la SBTI (Science-based Target Initiative) et l’idée est aussi de travailler avec l’ADEME en France et l’ABC (association pour une transition bas carbone) qui est déjà l’un de nos partenaires.
Sur le volet de la pédagogie, nous aimerions développer plus de choses autour du marketing responsable et surtout des nouveaux imaginaires et récits : dans une période où la transition écologique rime de plus en plus avec sobriété et est souvent perçue comme punitive, le travail des nouveaux imaginaires et des nouveaux récits, à travers les entreprises et au-delà, peut permettre de passer ce cap plus en douceur.
La transition écologique est un sujet très transversal par définition. Nous essayons de trouver la juste place entre une chaire qui développe des talents stratèges, qui s’intègre dans le débat et qui interroge sur la manière d’opérer une transition écologique juste et profonde.
A propos de Alexis de la Tour du Pin, Directeur Exécutif de la chaire Talents de la Transition Ecologique de l’ESSEC
Diplômé de l’ESSEC en 2006, Alexis a fait sa carrière dans la transformation digitale (Google 2006-2017; direction de la Chaire ESSEC Digital Disruption de 2017 à 2022). Le combat écologique démarre pour lui avec la cause animale via l’association “L214 - éthique et animaux”, pour qui il deviendra consultant par la suite. En 2016, il construit l’équipe marketing RSE pour Google France et initie le programme YouTube Creators for Change. En 2019, il crée un cours à l'ESSEC sur le numérique responsable (Digital Humanism), et se forme à la transition écologique citoyenne via le collectif EDENI. Il est également au conseil d'administration de basta!, média référent sur le thème de la justice écologique et de l'Observatoire des multinationales. En 2021, il lance le MSc in Sustainability Transformation de l'ESSEC.