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Publié le 22 octobre 2024 Mis à jour le 22 octobre 2024

Comment créer un espace de médiation qui permettrait de rapprocher les sciences de la société ?

Casse-têtes
Casse-têtes - © Karolina Grabowska - Pexels

Découvrons ensemble l’un des projets lauréats du programme Emergence, un projet porté par Assia Nechache, maître de Conférences à CY Cergy Paris Université, sur les espaces de médiation scientifique.

CY Initiative : Pourriez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre carrière et vos grandes thématiques de recherche ? 

Assia Nechache : Avant d’être enseignant-chercheur, j’ai fait des études de mathématiques puis, en 2004, j’ai passé le concours pour être enseignante au collège et lycée. Après avoir enseigné quelques années dans le secondaire, en 2010, je suis devenue formatrice en mathématiques (PRAG) à l’IUFM puis à l’Université d’Orléans-Tours. Durant cette période, j’ai fait un master en recherche en didactique des mathématiques puis une thèse que j’ai soutenue en 2016.  

C’est en 2018 que j’ai rejoint CY Cergy Paris Université en tant que Maitre de Conférences et que j’ai intégré le laboratoire de didactique André Revuz (LDAR EA 4434). C’est un laboratoire qui a la particularité d’être un laboratoire pluri conventionné avec les universités de Paris, Paris-est Créteil, CY Cergy Paris, Lille et Rouen Normandie. 

Au regard de mon parcours et de mes centres d’intérêt, mes recherches se portent donc tout naturellement sur la didactique des mathématiques, notamment sur l’étude des phénomènes liés à l’enseignement et à l’apprentissage des mathématiques.  

La question centrale de mes recherches est : comment transmettre correctement le contenu aux apprenants en prenant en compte leur niveau, leur passé scolaire. On ne prescrit pas n’importe quel contenu à n’importe quel âge, ni à n’importe quel individu... les apprenants pouvant être des élèves, des étudiants, des professionnels d’enseignement dans le cadre de la formation continue.  Cette question se pose d’autant plus dans l’enseignement des mathématiques avec des questions du type :  comment aider les apprenants à construire des discours de preuves qui sont mathématiquement correctes ? Comment les amener à exercer des contrôles sur le travail mathématique qu’ils ont élaboré ? 

En géométrie, il y a beaucoup de travail autour de ces questions et ma plus-value a été plutôt dans le domaine des probabilités, au niveau des classes de 3e et de 2nde. Il y a des difficultés pour les enseignants (et je l‘ai vécu aussi en tant qu’enseignante) à emmener les élèves à démontrer des résultats lorsqu’ils sont confrontés à la résolution de problèmes relevant de ce domaine. C’est le point qui bloque car les élèves n’ont pas suffisamment de connaissances théoriques sur ce sujet.  Il fallait que je trouve quelque chose de mathématiquement cohérent, également adapté aux élèves et qui rentre aussi dans les attentes institutionnelles. C'est ce type de défi qui m’intéresse. 

Les trois mots-clés qui résument parfaitement mes travaux de recherche sont “preuve”, “modélisation” avec la question de la prise de décision et “interdisciplinarité” dans l’enseignement scientifique.   

Mon expérience sur le terrain m’a permis de voir les défis autour des mathématiques, il est donc primordial pour moi que mes recherches soient liées à la réalité du terrain. J’essaye de faire en sorte que mes recherches soient le plus opérationnelles possibles.  L’objectif est concrètement d’améliorer le rapport des apprenants aux mathématiques et d’aider ainsi les enseignants à rapprocher les élèves des mathématiques puisqu’elles contribuent, comme d’autres disciplines, à construire l’esprit critique et à développer la prise de décision. 

CY Initiative : Vous avez été lauréate de l’appel à projet 2024 de CY Initiative. En quoi consiste ce projet ? Et quel est son objectif ? 

Assia Nechache : Le projet E&CEM est, bien sûr, en lien avec mes sujets de recherche. L’objectif est de rapprocher les sciences et les mathématiques de la société. Le rapport aux mathématiques et aux sciences a beaucoup changé, notamment avec la pandémie. En effet, à la suite de la pandémie de Covid-19, la science a vraisemblablement perdu de sa légitimité auprès de la société. 

En 2020, la ministre Frédérique Vidal a mis en place un dispositif pour inciter les chercheurs à sortir de leur bureau pour aller rencontrer et partager leurs travaux avec la société. Au niveau des sciences, nous avons eu des médiateurs scientifiques qui ont monté des initiatives avec des enseignants en allant par exemple dans les classes, où en accueillant les élèves dans des structures liées à la médiation scientifique. Et de l’autre côté, il y a des chercheurs qui ont été et sont encore invités dans les classes ou dans les établissements dans un cadre très spécifique comme la Fête de la science. Mais finalement il y a toujours quelqu’un qui porte le savoir et un autre qui se met en retrait. Est-ce la manière la plus efficiente de faire ? Et surtout est-ce pérenne ? 

C'est en partant de ce constat que le projet E&CEM a vu le jour. Je pense que tout le monde doit être acteur du savoir et des sciences et nous devons rendre ces collaborations et ces actions pérennes. 

Le but est donc de créer un lieu matérialisé permettant aux chercheurs, aux enseignants et aux médiateurs scientifiques de se rencontrer afin qu’ils co-construisent des séances de médiation autour d’un sujet donné. Il faut mettre en place un espace et des conditions nécessaires et suffisante pour que cette relation du triplet se construise et donne quelque chose d’opérationnel et de productif et surtout sur le long terme. 

CY Initiative : Concrètement, comment va se déployer ce projet ? 

Assia Nechache : Officiellement, le projet commence en octobre 2024 mais je suis déjà en contact avec plusieurs structures de médiation pour mettre en place le projet.   

Ainsi concrètement, d’octobre à novembre, je vais aller m’entretenir avec ces différentes structures pour prendre connaissance des pratiques existantes. Mon objectif est de comprendre comment ils voient les choses, qu’est-ce qu’ils font aujourd'hui, est-ce qu’ils ont des relations avec des enseignants, avec des chercheurs, comment ils travaillent ensemble... 

Je souhaiterais ensuite en fin d’année 2024 organiser un symposium avec des chercheurs experts de la médiation scientifique et les acteurs du projet. L’objectif est de présenter les résultats de cette phase de questionnement et de réfléchir ensemble aux questions de médiation et à cette espace de médiation collaboratif. 

Cela devrait nous permettre en début d’année 2025 de constituer des triplés - Chercheur, enseignant, médiateur- et de les faire travailler ensemble autour d’un thème donné. L’objectif est qu’ils co-construisent des séquences de médiation qu’ils pourront déployer concrètement en mars-avril 2025.  

A partir des séances mises en oeuvre dans une classe, nous allons faire des analyses a posteriori pour mettre en évidence ce qui a réellement fonctionné ou non, et dans le cas échéant, faire des ajustements et apporter des modifications afin de remettre en oeuvre les séances dans une autre classe et ainsi de suite. Et cela jusqu’à la fin de l’année où nous ferons un premier bilan global de ces phases de construction, d’expérimentation, d’analyse.  

La deuxième année, nous allons lancer le même dispositif mais sur d’autres thèmes. L’idée est de voir quel est l’impact de l’ajout de nouvelles conditions sur les pratiques des enseignants et sur la co-construction par le triplet.  

En juin 2026, l’ensemble de ce travail sera présenté lors d’un colloque et nous allons bien entendu publier petit à petit les résultats obtenus. L’objectif est à terme de matérialiser cet espace de médiation au sein de CY Cergy Paris Université et de faire en sorte qu’il soit pérenne. 

CY Initiative : Pourquoi avoir candidaté à cet appel à projets ?

Assia Nechache : C’est toujours un défi de participer à un appel à projet. Dans ce cas précis, cela m’a permis d’évoluer dans mon idée et de l’opérationnaliser grâce au programme Emergence. Je veux en effet avoir des preuves tangibles, un socle solide sur lequel m’appuyer pour ensuite construire un projet que je pourrai soumettre à un projet européen.

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