le 27 août 2024
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Publié le 27 août 2024 Mis à jour le 28 août 2024

5G, 6G : les nouveaux défis d'optimisation des réseaux mobiles

Tour de télécommunication
Tour de télécommunication - Tour de télécommunication - © hello_world_2022 - Pixabay

Lors de son appel à projet 2023, CY Initiative a soutenu 14 projets de recherche innovants. Découvrons ensemble l’un des projets lauréats du programme Emergence, un projet porté par Sara Berri, enseignante-chercheuse au laboratoire ETIS et maitre de conférences à CY Cergy Paris Université.

CY Initiative : Pourriez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre carrière et vos grandes thématiques de recherche ? 

Sara Berri : Après avoir soutenu ma thèse doctorale en 2018 à CentraleSupelec et à l'Université de Bejaia, j’ai fait mes deux années post-doctorales à Telecom-Paris où j’ai eu la chance de représenter le groupe de travail "New Technologies & Hybridation ", du projet européen InDiD.  
J’ai ensuite rejoint CY Cergy Paris Université en 2020, en tant que maitre de conférences au département des Sciences informatiques et chercheuse membre au sein du laboratoire ETIS, un laboratoire conjoint entre CY Cergy Paris Université, l’ENSEA et le CNRS. 
Mes travaux de recherche portent sur plusieurs thématiques. L’un des sujets centraux sur lesquels je travaille est l’allocation des ressources dans les réseaux de futures générations, c’est-à-dire les réseaux 5G et au-delà. On parle ici de ressources en général, et cela inclut par exemple la bande passante, mais aussi les ressources en termes de stockage, et physiques, etc. Mon projet lauréat CY Initiative porte sur ce sujet. 
Je travaille également sur les enjeux de sécurité, notamment la préservation de la vie privée, en particulier dans le cadre du partage de la géolocalisation. On retrouve sur nos téléphones plusieurs applications qui ont recours à la localisation pour donner un service à l’utilisateur. Or, partager ses données de position peut rendre l’usager vulnérable à des utilisations abusives par des applications tierces ou des attaques externes. La question qui se pose est donc : comment continuer à faire usage de ces applications basées sur la localisation tout en préservant la vie privée des utilisateurs ?  

CY Initiative : Vous avez été lauréate de l’appel à projet 2023 de CY Initiative. En quoi consiste ce projet ? Et quel est son objectif ? 

À mon arrivée à CY Cergy Paris Université, j’ai commencé à travailler sur le découpage réseau, ou en anglais le “network slicing”, et l’allocation des ressources. Je me suis rendu compte qu’il y avait des solutions proposées sur ce sujet mais qui ne prennent en compte que certaines catégories de services bien définis. L’idée c’était de se dire, au regard des évolutions à venir, pourquoi ne pas prendre en compte et anticiper les services qui sont prévus dans les réseaux futurs afin de proposer des solutions de découpage réseau plus adaptées et efficaces. L’objectif était de tester des services futurs qui ont plusieurs exigences en même temps, c’est-à-dire qui ont des contraintes multiples. Cependant, cela rend le problème d’optimisation mathématique plus complexe.

L’enjeu de nos travaux et du projet est donc de prendre en compte tous les nouveaux services qui vont être intégrés par les réseaux 5G et au-delà (B5G, 6G), comme les véhicules autonomes. Tous ces services ont besoin de certaines spécificités en termes de débit et de latence, et nous souhaitons prendre en compte toute ces contraintes et proposer des solutions optimales afin que les ressources du réseau soient bien distribuées entre tous les services qui vont en avoir besoin. Le challenge est de proposer des solutions qui peuvent couvrir des services hybrides dont les besoins et contraintes sont multiples et non pas une seule et unique contrainte. Il faut garder en tête que tout cela se fait dans le même réseau. Il y a donc un partage de ressources mais avec des utilisateurs qui ont des exigences différentes, ce qui n’est pas toujours facile à gérer. Il faudrait que le découpage soit le plus optimal possible. L’allocation de ressources, c’est un peu comme un gros gâteau qu’il faut se diviser et chacun souhaiterait en avoir un morceau avec des exigences particulières et non pas de manière aléatoire.

 Les outils que nous utilisons globalement sont des outils d’optimisation (programmation linéaire, non linéaire, optimisation multi objectif). Concernant la résolution, on utilise par exemple de l’apprentissage par renforcement, ou on développe des solutions approximatives pour les cas qui exigent des solutions en un temps raisonnable de type temps réel. 

CY Initiative : Concrètement, comment étudier cette allocation de ressources ?

Dans le cadre de ce projet, nous travaillons sur les réseaux en général mais également sur des cas d’usages tels que les réseaux véhiculaires. En effet, sur les véhicules connectés ou autonomes, avec la vitesse et les changements de position qui surviennent fréquemment, les conditions du réseau changent très rapidement. Les solutions doivent être beaucoup plus stables que les solutions que l’on pourrait proposer à n’importe quel autre service. On travaille sur les aspects théoriques de modélisation mathématique pour savoir comment cette architecture pourrait fonctionner et comment les solutions peuvent être proposées afin que le réseau fonctionne bien. On pourra in fine aller jusqu’à proposer d’intégrer d’autres services en fonction des ressources disponibles. 
Ces problèmes d’optimisation sont assez complexes à modéliser. On commence donc par une modélisation mathématique et la solution sera basée sur l’apprentissage par renforcement, en supposant qu’il y ait un agent qui essaye d’apprendre et de générer la meilleure solution en fonction des changements de l’environnement. 
Dans ce modèle, les données entrantes sont les changements de l’environnement, l’utilisation par les utilisateurs et les données sortantes sont le nombre de ressources qui ont été allouées à tel ou tel service. Il s’agit de solution qui prennent en compte les objectifs que l’on s’est fixé à l’avance (satisfaire le plus d’utilisateur possible ou atteindre une certaine limite de la latence à ne pas dépasser...par exemple) afin de les intégrer dans la formulation. 
En général on travaille sur des propositions généralistes qui peuvent être adaptées à certaines situations, en mettant à jour certains paramètres et en ajoutant les contraintes nécessaires. 

CY Initiative : Quelles sont les grandes étapes du projet ? 
 
L’objectif est d’aller voir au-delà de ce qui est proposé dans l’état de l’art actuellement et de savoir ce que l’on peut faire si on part sur des services qui sont mixtes ou hybrides et dont les contraintes ne sont pas faciles à gérer. Et si jamais il y a quelque chose que l’on peut proposer et que cela puisse améliorer les performances, cela serait une super avancée. 
On a déjà quelques premiers résultats. Nous avons fait un découpage réseau en proposant un service supplémentaire qui n’a pas été étudié dans l’état de l’art actuel et on a remarqué que l’on pouvait satisfaire plus d’utilisateurs que lorsque l’on ne le considérait pas. Dans les faits nous avons besoins de ces services mais précédemment on les considérait séparément en négligeant l’un ou l’autre et là on veut aujourd’hui ne pas avoir à choisir. On prend plus en compte ce dont les utilisateurs ont besoin et les solutions sont encore plus adaptées et plus personnalisées. 
Par exemple si l’on prend l’exemple du véhicule autonome, il faudrait que la latence et le débit soient bons et pas seulement l’un des deux. Ils sont en effet indispensables et doivent être à un certain niveau pour que le service rendu soit de bonne qualité pour l’utilisateur. On ne peut pas prioriser l’un plutôt que l’autre et c’est ce qui se faisait jusqu’ici. 
À partir de ces premiers résultats, nous avons écrit un premier papier qui est accepté pour publication et nous en préparons actuellement d’autres travaux.  

CY Initiative : Pourquoi avoir candidaté à cet appel à projet ?

Le projet a été rendu possible par le programme EMERGENCE, qui représente un tremplin pour donner de l’élan à nos recherches, dans l’espoir de les pérenniser par la suite. Le soutien de CY Initiative nous a permis d’avancer et en même temps de nous donner les moyens de le faire grandir avec des collaborations nationales ou internationales et ainsi de pouvoir constituer une équipe un peu plus grande que ce que nous avons déjà au sein du laboratoire et de l’université. 
Aujourd’hui nous sommes prêts à nous positionner sur des projets plus ambitieux, notamment des projets européens comme le 6G SNS JU Projects sur l’efficacité énergétique dans ces services multiples à faible latence. Nous avons soumis ce projet en avril avec des partenaires en Europe. Ce projet intègre aussi la contrainte énergétique donc c’est un projet un peu plus étendu. Nous avons également soumis un autre projet européen qui porte sur l’étude des systèmes de transport intelligents (ou réseaux véhiculaires), qui vient d’être accepté et sera financé. Le projet comporte 89 partenaires Français et européens. Il s’agit ici de mettre en application le projet développé grâce à EMERGENCE et de pousser le sujet plus loin. 
Nous avons également déposé en avril un projet ANR à thématique spécifique en IA. L’objectif est d'étudier les aspects réseaux sous le prisme des outils de l’intelligence artificielle.


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