le 9 septembre 2022
  • Recherche

Publié le 9 septembre 2022 Mis à jour le 19 septembre 2022

Quand la crise covid inspire une chaire Sciences humaines et sociales en partenariat avec la Région Ile-de-France

En avril 2022, CY Initiative avec le financement de la Région Ile-de-France lançait la chaire Sciences humaines et sociales dirigée par Marie Kerveillant, ingénieure de recherche à l’ESSEC Business School. En pleine urgence sanitaire de la covid-19, les structures hospitalières ont été mises à l’épreuve, sur un temps long. Avant cela, certains hôpitaux ont connu d’autres crises importantes, comme par exemple, l’afflux massif de blessés lors des attaques terroristes à Paris et à Nice. Il semble primordial pour ces structures hospitalières, et en particulier pour les directions médicales de crise, de développer leur résilience face aux différentes crises auxquelles elles peuvent être confrontées dans le futur. Cette chaire vise ainsi à travailler sur le rôle des directions médicales de crise, au sein des structures hospitalières et de voir comment elles ont évolué depuis la crise sanitaire de la covid-19. Rencontre avec Marie Kerveillant, titulaire de la chaire Sciences humaines et sociales.

CY Initiative : Pouvez-vous nous en dire plus sur vous et votre parcours ?

Marie Kerveillant : Après une classe préparatoire, j’ai intégré le programme grande école de l’ESSEC Business School. J’ai ensuite travaillé quelques années dans le privé en finance avant de faire un PhD à l’ESSEC en partenariat avec CY Cergy Paris Université. Cette thèse sur la gouvernance du risque nucléaire m’a permis de recevoir le Prix de la thèse de la chancellerie des Universités de Paris en économie-gestion en 2018. Ce prix m’a alors ouvert les portes de financements et notamment de CY Initiative, à l’époque Paris Seine Initiative. J’ai été recrutée comme ingénieure de recherche dans le cadre du projet de ma collègue de l’ESSEC Marie-Léandre Gomez (PSI projet émergent COMED sur la coordination des équipes médicales en situation extrême). Nous avons mené durant trois années des recherches sur la médecine tactique durant les attentats. Il s’agissait d’observer le RAID et en particulier l’équipe médicale qui s’est occupée de l'évacuation du Bataclan. 
Depuis l’affaire Merah en 2012 puis les attentats de Paris en 2015, nous avons pu observer la montée en compétences de la médecine tactique sur le secours porté aux victimes et pas seulement des policiers. Avec Marie-Léandre Gomez, nous continuons à travailler sur ce sujet, dans le cadre d’un projet ANR qu’elle coordonne, nous associant à Sorbonne Université (une équipe médicale au sein de l’AP-HP) et à l’Ecole Normale Supérieure (chaire de géopolitique du risque).
De mon côté, en capitalisant sur ce travail, j’ai remporté le financement par CY Initiative et la Région Ile-de-France pour la chaire en Sciences humaines et sociales
 

CY Initiative : Justement faisons un focus sur la chaire et vos travaux de recherche. Quel est son objectif et comment travaillez-vous sur le sujet ?

Marie Kerveillant : Durant les recherches menées avec Marie-Léandre Gomez, j’ai eu la chance d’observer les médecins tactiques qui étaient au sein du RAID et qui ont tous une activité hospitalière à côté pour garder un pied dans l’hôpital. 
Lors de la 1ère vague covid, ils ont ainsi été sollicités pour faire face à la crise. Les hôpitaux ont dû mener des actions inédites pour gérer cet afflux de patients. 
Les médecins tactiques étaient expérimentés sur ce type de situation. Ils ont donc été sollicités pour trouver des solutions et en particulier à l'AP-HP Paris Sorbonne Université où ils ont créé des cellules qui permettaient d'accélérer la gestion des flux de patients avec des solutions public-privé et des solutions d’évacuation. Le médecin chef du RAID a notamment été chef d’une cellule qui s’appelait la cellule Dynamo et qui permettait d’évacuer des patients graves de la covid vers d’autres régions moins saturées. 
Ainsi assez naturellement nous sommes allés étudier ces initiatives menées pendant les différentes vagues de la covid. Je me suis ainsi tout naturellement positionnée sur cette chaire qui du coup avait pour objectif de faire un retour d’expérience sur les directeurs médicaux de crise dans ce contexte particulier.  
 

CY Initiative : En quoi le rôle des directeurs médicaux de crise est central dans votre recherche ?

Marie Kerveillant : Nous étudions depuis 4 ans les formations menées au sein de Sorbonne Université en partenariat avec le RAID, qui s’adressent aux directeurs et directrices médicaux de crise (DMC).
Cette fonction de DMC a en effet été créée en 2017 après les attentats de Paris pour gérer les crises en interne ou en externe. Sorbonne Université et le RAID ont ainsi formé des urgentistes, des médecins réanimateurs… La crise covid a démontré la pertinence et l’utilité de ce poste de DMC. Mon rôle dans le cadre de la chaire est de faire un retour sur les initiatives prises par ces derniers et de faire un retour d’expérience des différentes vagues covid en me focalisant sur le rôle des DMC. 
 

CY Initiative : Quelle est votre méthodologie ?

Marie Kerveillant : Notre équipe de recherche sur la médecine tactique était en contact avec le directeur de l’unité de réanimation de la Pitié-Salpêtrière, qui est devenu le DMC de Paris Sorbonne. Nous avons tout d’abord utilisé ces observations et la mise en place des processus durant la première vague covid pour émettre des premières conclusions et hypothèses. 
Nous avons l’intention ensuite de mener des entretiens semi-directifs avec des directeurs médicaux de crise dans les hôpitaux de Paris mais aussi plus largement et notamment les hôpitaux des départements et régions d'outre-mer et collectivités d'outre-mer où la situation est bien différente. L’objectif étant d’étudier les initiatives et de faire un état des lieux. 
En partenariat avec une équipe de recherche de l’ANR, nous sommes également en train de développer un questionnaire quantitatif avec pour but de toucher plus largement les directeurs médicaux de crise. L’objectif est de recueillir des données quantitatives sur leur type de profil, comment ils se sont formés, leur parcours... 
Nous faisons aussi de l’observation sur le terrain et nous étudions également des données secondaires, nous lisons des comptes-rendus de crise... Ce ne sont pas les informations qui manquent sur la covid, il faut savoir les trier et les ordonner pour les utiliser à bon escient. 
 

CY Initiative : Quelles sont les prochaines étapes et vos ambitions dans le cadre de la chaire ?

Marie Kerveillant : Nous nous interrogeons dès à présent sur comment partager la connaissance et les résultats de nos recherches. Au bout de 3 ans, l’objectif sera de faire le retour d’expérience sur la fonction du métier de DMC et éventuellement de faire évoluer la formation. Ce savoir et ses connaissances devront ainsi rayonner dans la sphère de la recherche et bien plus largement. 
Nous souhaiterions ainsi créer des ateliers ou des tables rondes pour partager mes recherches et faire se rencontrer des chercheurs et les directeurs médicaux de crise pour qu’ils échangent et fassent progresser le débat. Ce moment se voudrait être un rendez-vous annuel de partage de connaissance entre la recherche et les praticiens hospitaliers et bien d’autres. 
Toujours dans l’objectif de faire rayonner largement mes recherches, je vais participer dans le cadre de la chaire à des tables rondes organisées par la Région Ile-de-France. J’ai également pris la parole, en juin 2022, dans un lycée de Noisy-le-Grand (93) devant 110 lycéens pour leur faire découvrir le métier de la recherche.

Action financée par la Région Île-de-France

En savoir plus