Publié le 5 décembre 2024–Mis à jour le 6 décembre 2024
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Statistiques, géométrie et méthodes de Monte Carlo
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Lauréats du programme Emergence, Pierre Jacob et Kamélia Daudel, professeurs du département Systèmes d’Information, Data Analytics et Opérations à l’ESSEC Business School, mènent leur projet GEOCARLO sur l’interface entre géométrie et algorithme de Monte Carlo.
CY Initiative : Pourriez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre carrière et vos grandes thématiques de recherche ?
Pierre Jacob : Je suis professeur de statistiques à l’ESSEC depuis 2021, au sein du département Systèmes d’Information, Data Analytics et Opérations.
J’ai fait une thèse en mathématiques appliquées que j’ai soutenue en 2012 à Paris Dauphine. J’ai ensuite fait un post-doctorat à Singapour, puis à Oxford en Angleterre. En 2015, je me suis établi aux Etats-Unis, où je suis resté jusqu’à mon recrutement à l’ESSEC. Mes sujets de recherche ont toujours été centrés autour du même sujet : les statistiques et notamment les statistiques computationnelles. Il s’agit de méthodes de calcul utilisées en analyse de données, et je m’intéresse à leur compréhension théorique et au développement de nouvelles méthodes, afin de pouvoir traiter différents types de données. En 2009, lorsque j’ai commencé ma thèse sur ces sujets, le terme 'data' n'était pas aussi connu du grand public qu'aujourd’hui.
CY Initiative : Vous avez été lauréat de l’appel à projets 2024 de CY Initiative avec GEOCARLO. En quoi consiste ce projet ? Et quel est son objectif ?
Pierre Jacob : Le projet porte sur des algorithmes, les méthodes de Monte Carlo. Ce sont des méthodes qui permettent d’échantillonner, c'est-à-dire tirer des variables aléatoires. Le processus est similaire au lancer de dés, mais avec des dés plus complexes que le cube classique. Ces dés abstraits représentent des objets utiles en statistiques, c’est-à-dire des quantités d'intérêt. Il y a toute une littérature sur ce sujet à l'interface entre les statistiques, les probabilités, la physique et l'apprentissage machine.
Par exemple, lorsque l’on utilise l’IA générative pour générer une image ou un texte, et on peut demander des rafraichissements pour produire une autre image ou un autre texte. Ce sont des tirages aléatoires qui rendent cela possible. En principe, lorsque l’on donne une instruction à une machine, cette dernière n’agit pas de manière aléatoire. La méthode de Monte Carlo permet de programmer une machine pour simuler des réponses qui semblent aléatoires. Pour tirer des objets aléatoires de grande taille, il faut comprendre la partie de l’espace dans lequel ces objets ont tendance à se situer, afin de programmer les algorithmes de manière efficace. Ce projet a pour but d’introduire des notions de géométrie dans la méthode de Monte Carlo, et notamment de tirer parti de la concentration des lois de probabilité d’intérêt de grande dimension sur des sous-espaces de dimension réduite. Le projet propose de développer de nouveaux algorithmes tirant partie de ce phénomène.
Fondamentalement, ce projet peut aider à quantifier l’incertitude et à analyser les données dans un monde de plus en plus soumis aux risques et aux aléas, et où les calculs de probabilités sont donc essentiels. Ces problématiques sont amenées à se complexifier et les horizons temporels pour les prédictions sont appelés à s’allonger.
CY Initiative : Concrètement, comment va se déployer ce projet ?
Pierre Jacob : Ce projet va se déployer sur 2 ans. Il s’inscrit dans mon plan de recherche qui lui se projette à 5 ou 10 ans. Je mène ce projet avec ma collègue Kamélia Daudel, professeur du département Systèmes d’Information, Data Analytics et Opérations de l’ESSEC, dont l'expertise en optimisation et géométrie de l’espace des probabilités complète parfaitement la mienne.
Notre objectif est, dans un premier temps, d’organiser un séminaire de plusieurs jours à Paris d’ici 2026 afin de rassembler une quarantaine de chercheurs spécialisés sur l’interface entre géométrie et algorithmes de Monte Carlo. Cette rencontre nous permettra d’échanger et d’enrichir les recherches sur ce sujet. Cet événement ne serait pas possible sans l’appel à projet de CY Initiative. Ce séminaire nous permettra d’écrire un article de positionnement sur le sujet. Nous avons aussi l’intention d’inviter des chercheurs internationaux pour initier des collaborations et profiter ainsi de leur expertise et leur point de vue. Avec ce projet, notre objectif est de publier plusieurs articles et de diffuser nos contributions de recherche. Cela me permettra également de me positionner pour obtenir des financements européens, par exemple.