Lauréat du programme CY Initiative Emergence en 2023, Alae El Haitami a exploré dans son projet MonoCOF une nouvelle méthode de fabrication de réseaux moléculaires ultra-minces en deux dimensions.
CY Initiative : Pourriez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre carrière et vos grandes thématiques de recherche ?
Alae El Haitami : J'ai obtenu mon doctorat de l'Université de Strasbourg en 2010 et j’ai ensuite rejoint pendant un an le groupe de Laurent Corte à l'École des Mines de Paris en tant que chercheur postdoctoral. J'ai intégré le Laboratoire de Physicochimie des Polymères et Interfaces (LPPI) à CY Cergy Paris Université en septembre 2011. Mes recherches portent principalement sur la caractérisation physico-chimique de films de polymères ultraminces aux interfaces, un domaine sur lequel j’ai publié une vingtaine d’articles.
Je suis spécialisé dans l'étude de ces films d'épaisseur nanométrique, c'est-à-dire d'épaisseur comparable à celle d'une molécule. Ces films sont généralement élaborés à l'interface air-eau et peuvent être transférés sur un substrat solide pour permettre des caractérisations qui ne sont pas possibles à la surface de l'eau. Ils ont plusieurs applications potentielles, comme celle de revêtements fonctionnels ou d'électrodes.
CY Initiative : Vous avez été lauréat de l’appel à projets 2023 de CY Initiative. Sur quel sujet porte ce projet ?
Le projet MonoCOF représente une ouverture passionnante vers de nouveaux matériaux, en s'appuyant sur mon expertise des films 2D. Il ne porte pas sur les polymères, mais sur des réseaux organiques covalents (COF) et des réseaux métallo-organiques (MOF).
L'idée est d'utiliser ma maîtrise de la fabrication de films à l'interface air-eau pour créer ces architectures moléculaires complexes en 2D. Pour cela, je collabore avec un collègue du LPPI, M. Thuan PHAM, qui possède une expertise reconnue dans la synthèse de ces matériaux en 3D (en volume). L'objectif de MonoCOF est de combiner nos compétences complémentaires pour fabriquer et caractériser des COF et MOF en deux dimensions, une forme qui peut conférer à ces matériaux des propriétés électroniques ou catalytiques remarquables.
Nous avons également établi une collaboration avec Alain Pailleret de Sorbonne Université, qui est spécialiste de l'AFM (microscopie à force atomique), afin de nous aider à visualiser la structure de ces réseaux à l'échelle nanométrique.
CY Initiative : Concrètement comment va se déployer ce projet ?
Alae El Haitami : Le projet est structuré en plusieurs étapes. Nous avons commencé par des expériences préliminaires, et nous avons déjà eu deux stagiaires de Master 2 qui ont travaillé sur la synthèse et la caractérisation de ces matériaux. A partir d’une banque de molécules que nous avons achetées, les étudiants ont caractérisé la physico-chimie de ces matériaux pour ensuite tenter de former des réseaux organisés à la surface de l'eau.
Bien que nous n'ayons pas encore publié de résultats, nous avons des pistes prometteuses et nous continuons à optimiser nos matériaux grâce à de nouvelles expériences et caractérisations.
CY Initiative : Pourquoi avoir candidaté à cet appel à projets ?
Alae El Haitami : Nous avons candidaté à l'appel à projets Emergence pour obtenir des financements qui nous ont permis d’avoir deux étudiants stagiaires de M2 qui nous ont accompagné sur ce projet. C'était la première fois que nous soumettions ce sujet très spécifique à un financement. Il s'agit d'un nouveau domaine de recherche pour notre laboratoire, et le caractère novateur de l'approche a joué en faveur de notre candidature.
Nous réfléchissons à soumettre une demande à l'Agence nationale de la recherche pour poursuivre et amplifier ces travaux prometteurs, avec l'objectif de développer une plateforme de fabrication robuste pour ces matériaux 2D.